Google écope d’une amende record de 2,95 milliards € – vous ne devinerez jamais pourquoi
Une sanction historique pour Google dans l’adtech
Le 5 septembre 2025, la Commission européenne a infligé à Google une amende record de 2,95 milliards d’euros pour abus de position dominante dans le secteur de la publicité en ligne. Cette décision marque la deuxième plus lourde sanction jamais prononcée contre le géant californien, après les 4,12 milliards d’euros d’amende pour son système Android en 2018.
Contexte et chronologie de l’enquête
Le 22 juin 2021, la Commission lançait formellement une investigation contre Google pour pratiques anticoncurrentielles liées à ses plateformes publicitaires. Après plus de deux ans de collecte d’éléments factuels, les « statements of objections » ont été envoyés le 14 juin 2023, officialisant les griefs portés contre l’entreprise :
- Abus de position dominante sur le marché des « publisher ad servers » via DoubleClick for Publishers (DFP).
- Abus de position dominante sur le marché des « programmatic ad buying tools » avec Google Ads et Display & Video 360 (DV360).
La Commission a interrogé des annonceurs, des éditeurs et examiné les flux de données afin de reconstituer le mécanisme d’auto-préférence à l’œuvre au sein des écosystèmes Google.
Les services au cœur de l’affaire
Plusieurs briques technologiques développées par Google sont incriminées :
- Google Ads et DV360 : outils d’achat programmatique utilisés par les annonceurs pour gérer leurs campagnes.
- DoubleClick for Publishers (DFP) : ad server permettant aux éditeurs de gérer et diffuser les espaces publicitaires sur leurs sites et applications.
- AdX : ad exchange de Google servant d’intermédiaire pour l’attribution en temps réel des impressions publicitaires à travers des enchères.
Dans l’écosystème Google, ces services couvrent successivement la demande (annonceurs), l’offre (éditeurs) et la mise en relation (ad exchange).
Les pratiques d’auto-préférence révélées
Selon la Commission, Google a mis en place deux principales pratiques faussant la concurrence :
- Préférence de son ad exchange AdX au sein de DFP : Google informait en amont AdX du montant maximal de la meilleure offre concurrente, lui assurant de remporter systématiquement l’enchère lancée par le DFP.
- Incitation à l’usage d’AdX par ses propres achats publicitaires : les outils Google Ads et DV360 privilégiaient AdX pour placer leurs enchères, délaissant systématiquement les autres ad exchanges et renforçant ainsi la position dominante d’AdX.
Ces stratégies d’auto-préférence ont empêché les plateformes concurrentes de rivaliser à armes égales dans l’attribution des espaces publicitaires, consolidant le quasi-monopole de Google.
Violation de l’article 102 du TFUE
La Commission européenne a jugé que ces pratiques entraient en violation de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prohibe l’abus d’une position dominante susceptible d’empêcher ou de fausser la concurrence. La sanction financière de 2,95 milliards d’euros a pour objectif de :
- Pénaliser l’entreprise pour empêcher la répétition de pratiques anticoncurrentielles.
- Envoyer un message fort aux acteurs du numérique : l’auto-préférence et les conflits d’intérêts ne seront pas tolérés.
- Rééquilibrer le marché et favoriser la concurrence dans l’adtech.
Redevances et remèdes possibles
Google dispose maintenant de 60 jours pour soumettre à la Commission ses mesures correctrices visant à mettre fin aux pratiques incriminées. Si les propositions sont jugées insuffisantes ou si le géant ne répond pas dans les délais, la Commission pourra :
- Prononcer des remèdes structurels, notamment imposer la cession de DFP et d’AdX.
- Allonger les obligations de transparence et d’interopérabilité avec d’autres services publicitaires.
De son côté, Google a annoncé son intention de faire appel, estimant la décision “injustifiée”.
Portée et perspectives
Cette amende, la plus importante pour le secteur de la publicité en ligne, ne se limite pas à un rappel à l’ordre de Google. Elle ouvre la voie à :
- Un renforcement des contrôles sur les géants du numérique par la Commission européenne.
- Un alignement avec les demandes du Département de la Justice américain, qui soutient également la cession de DFP et AdX.
- Un signal aux acteurs émergents de l’adtech : la concurrence doit rester loyale, même dominé par un leader historique.
Alors que l’industrie publicitaire digitale se prépare à une diversification des plateformes programmatiques, cette décision européenne marque un tournant décisif. Les prochains mois seront cruciaux : Google saura-t-il proposer des remèdes efficaces, ou la cession de ses outils phares deviendra-t-elle inévitable pour rétablir une concurrence saine ? Le marché de l’adtech retient son souffle.