La Fed coupe ses taux… et le shutdown d’un mois va coûter jusqu’à 14 milliards à l’économie américaine !
Un coup de frein prudent : la Fed abaisse ses taux de 25 points de base
Mercredi, la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé de réduire son taux directeur de 25 points de base, ramenant la fourchette de référence de 3,75 %–4 % au plancher de l’actuel cycle de resserrement. Cette décision, attendue par les marchés, témoigne néanmoins de la grande prudence de la Fed dans sa stratégie de désescalade monétaire : l’inflation persistant à un niveau élevé et l’incertitude économique restant forte ont contraint le comité de politique monétaire (FOMC) à adopter une réduction « light » plutôt qu’un ajustement plus massif.
Des dissensions au sein du FOMC
Le vote n’a pas été unanime. Deux membres ont exprimé leur désaccord :
- Stephen Miran, nouveau gouverneur nommé par Donald Trump, a plaidé pour une baisse de 50 points de base, estimant que la conjoncture justifiait une action plus audacieuse pour soutenir l’économie.
- Jeffrey R. Schmid, président de la Fed de Kansas City, a pour sa part réclamé le statu quo, préférant stabiliser les taux face à des signaux macroéconomiques mitigés.
Le reste du comité, emmené par le président Jerome Powell, a choisi la voie médiane, soulignant un équilibre fragile entre lutte contre l’inflation et préservation de la croissance.
Inflation toujours élevée et perspectives incertaines
Dans la note accompagnant la décision, la Fed constate que l’inflation « reste trop élevée » et que « l’incertitude sur les perspectives macroéconomiques demeure importante ». Les statistiques officielles ont mis du temps à arriver en raison du shutdown qui paralyse les administrations fédérales depuis un mois. À la date du 29 octobre, le Bureau of Labor Statistics et le Bureau of Economic Analysis étaient toujours partiellement hors service, retardant la publication des chiffres de septembre.
Un marché du travail qui marque le pas
Les indicateurs fournis avant l’interruption forcée témoignent d’une activité économique modérée :
- La croissance du PIB se maintient à un rythme timide, soutenue surtout par la consommation des ménages.
- L’emploi continue de progresser, mais à un rythme ralenti par rapport à six mois plus tôt.
- Le taux de chômage a légèrement rebondi, passant de 3,4 % à 3,6 %, tout en restant historiquement bas.
Ces signaux laissent craindre un risque de décélération plus marquée si l’on ajoute la pression du shutdown et le déficit de données pour ajuster la politique monétaire.
Le coût économique du shutdown : 7 à 14 milliards de dollars
Le Congressional Budget Office (CBO) a publié un rapport alarmant sur l’impact financier de la paralysie des administrations fédérales :
- Les salaires des quelque 800 000 employés fédéraux non payés costeront entre 7 et 14 milliards de dollars à l’économie américaine.
- L’interruption de la distribution des aides alimentaires (SNAP) a privé de ressources plusieurs millions de ménages à bas revenus, limitant leur pouvoir d’achat pour au moins un trimestre.
- Au total, le CBO anticipe un recul du produit intérieur brut (PIB) de 1 à 2 points de pourcentage au quatrième trimestre 2025 en raison de ces effets cumulés.
Cette estimation renforce l’idée que la Fed doit manœuvrer avec doigté : un desserrement trop timide prolongerait la stagnation, tandis qu’une réduction trop rapide risquerait de relancer l’inflation.
Doute sur un nouvel assouplissement en décembre
Jerome Powell a lui-même tempéré les attentes en déclarant qu’un nouveau coup de rabot des taux en décembre n’était « tout sauf certain ». Face à la pénurie de données fiables due au shutdown et aux incertitudes géopolitiques (prix de l’énergie, tensions internationales), la Fed préfère conserver une marge de manœuvre. Le comité suivra de près :
- La remontée ou la stabilisation de l’inflation lors de la reprise des publications statistiques.
- L’évolution des indicateurs d’activité (PMI, ventes au détail, production industrielle).
- Les tendances du marché de l’emploi, en particulier le nombre de créations d’emplois non agricoles et la participation au marché du travail.
Enjeux pour les marchés financiers et l’économie réelle
La réduction de 25 points de base a soulagé les marchés obligataires, qui y voient un signe de soutien aux entreprises et aux ménages. Cependant, les Bourses restent nerveuses, conscientes que la trajectoire de la Fed reste conditionnelle aux données post-shutdown. Pour les emprunteurs, c’est l’assurance d’un coût du crédit inchangé à court terme, tandis que pour les épargnants, le rendement des placements sûrs progresse faiblement.
Du côté des entreprises, la stabilité des taux est une bouffée d’oxygène pour les investissements prévus, notamment dans les secteurs de la construction et de l’industrie lourde. In fine, l’allocation des ressources dépendra de la capacité des décideurs à lever le verrou politique et budgétaire qui paralyse Washington.
La Fed entre prudence et flexibilité
Cette manœuvre « light » reflète l’équilibre délicat que la Fed cherche à préserver : maintenir la pression sur l’inflation sans fragiliser la croissance. À l’aube de la réouverture des administrations, tous les regards seront tournés vers les prochaines publications économiques et la reprise du dialogue au Congrès pour lever le shutdown. La suite de la politique monétaire américaine dépendra étroitement de ces facteurs, plus que jamais imbriqués entre sphère budgétaire et conjoncture réelle.


