Dans la perspective du prochain budget triennal 2028-2034, la Commission européenne a discrètement retiré de sa liste de recettes la taxe sur les services numériques (Digital Services Tax, DST) qui visait à imposer les géants du numérique (Amazon, Apple, Google, etc.). En lieu et place, Bruxelles planche désormais sur une nouvelle contribution destinée à toutes les entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 50 millions d’euros en Europe. Explications détaillées.
Un abandon stratégique de la taxe numérique
Prévue initialement pour générer des centaines de millions d’euros par an, la DST devait frapper les revenus publicitaires et les commissions facturées par les plateformes en ligne. Or, dans le contexte tendu des négociations sur les droits de douane et sous la pression de Washington, l’UE a fait marche arrière :
- La DST n’apparaît pas dans la liste des recettes du prochain budget 2028-2034.
- Le retrait survient après le gel similaire du projet canadien, consécutif aux menaces de rétorsion du président américain Donald Trump.
- Bruxelles préfère éviter un conflit commercial avec les États-Unis et préserver la continuité des chaînes d’approvisionnement.
Les motivations de Bruxelles
Selon les documents consultés par Politico, Bloomberg et le Financial Times, plusieurs raisons ont motivé ce choix :
- Le risque de représailles américaines, concrétisé dans une lettre de Donald Trump évoquant des droits de douane de 30 % sur l’ensemble des produits importés.
- La crainte d’alourdir la facture fiscale des petites et moyennes entreprises européennes si la DST était élargie.
- La nécessité de trouver une ressource budgétaire plus stable et moins ciblée sur un secteur spécifique.
Une nouvelle taxe « plus large »
En lieu et place de la DST, la Commission proposera le 16 juillet une contribution généralisée aux grandes entreprises actives sur le continent :
- Assiette : chiffre d’affaires > 50 millions d’euros en Europe.
- Objectif de recettes : 25 à 30 millions d’euros par an.
- Champ d’application : toutes les activités commerciales, qu’elles soient numériques ou traditionnelles.
Ce modèle se veut plus équitable, car il ne cible pas seulement les Big Tech, mais également les grandes industries dont la contribution fiscale à l’UE reste jugée insuffisante.
Impacts attendus sur les géants du numérique
Pour les mastodontes du web, la suppression de la DST est une victoire, mais la nouvelle taxe généralisée ne manquera pas d’avoir des effets :
- Leur taux d’imposition global en Europe pourrait légèrement augmenter, même si la DST ciblait en priorité les recettes publicitaires.
- La concurrence avec les petites entreprises locales pourrait s’en trouver temporairement modifiée, car ces dernières ne seront pas concernées par la nouvelle tranche de chiffre d’affaires.
- La simplification administrative, avec une seule taxe sur le chiffre d’affaires, réduit la complexité des déclarations fiscales pour les groupes internationaux.
Menaces de représailles et climat commercial
Le retrait de la DST s’inscrit dans un contexte de tensions transatlantiques :
- Donald Trump avait convoqué l’USTR (Bureau du représentant américain au commerce) pour réviser le dossier des « taxes numériques discriminatoires ».
- L’Amérique envisageait d’imposer des droits de douane de 30 % sur les importations en provenance de pays appliquant la DST, dont la France, l’Italie et l’Espagne.
- Bruxelles ne souhaite pas aggraver la guerre commerciale et cherche un terrain d’entente avant la fin du mandat de Joe Biden.
Autres mesures fiscales du budget 2028-2034
Le projet budgétaire ne se limite pas aux recettes liées aux entreprises :
- Une taxe écologique sur les produits dérivés du tabac, visant à financer les programmes de santé publique.
- Une contribution élargie aux producteurs d’équipements électroniques non recyclés, pour encourager l’économie circulaire.
- Des ajustements de droits de douane sur certaines importations agricoles, dans le cadre de la réforme de la PAC.
Un calendrier serré pour les négociations
Si le texte sera officiellement dévoilé le 16 juillet, des corrections de dernière minute restent possibles. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE devront encore approuver le budget avant la fin de l’année 2025. Les points clés à suivre :
- La concertation avec le Parlement européen sur les taux finaux et les niches fiscales éventuelles.
- Les discussions avec le Conseil européen pour arbitrer les priorités de dépenses (sécurité, numérique, climat).
- La publication du document final avant le sommet de décembre 2025, afin d’éviter tout report des décisions.
En supprimant la taxe sur les services numériques et en la remplaçant par une contribution plus globale, l’Union européenne montre sa volonté d’adapter sa politique fiscale aux réalités économiques et géopolitiques. Reste à voir si ce compromis budgétaire permettra de préserver le pouvoir d’achat des citoyens tout en évitant de nouvelles tensions commerciales.