Rebondissement judiciaire : une IA peut légalement utiliser des paroles de chansons pour s’entraîner !

Dans une ère où l’intelligence artificielle redéfinit la frontière entre la création et l’innovation, Anthropic, une entreprise californienne spécialisée en IA, s’est récemment retrouvée sous les feux des projecteurs. La société a obtenu la validation judiciaire pour utiliser des paroles de chansons dans l’entraînement de son modèle Claude, malgré une opposition initiale des grandes maisons de disques. Retour sur cette affaire qui questionne les limites du copyright à l’ère du numérique.

Le contexte judiciaire et la décision de justice

Au cœur de cette affaire se trouve une plainte déposée à l’automne 2023 par des géants de la musique tels qu’Universal Music Group, Concord et ABKCO. Ces derniers accusaient Anthropic d’avoir violé les droits d’auteur en utilisant les paroles d’environ 500 chansons pour entraîner son modèle d’IA, Claude. Ces maisons de disques avaient réclamé une injonction préliminaire pour freiner l’utilisation des textes le temps du procès.

Néanmoins, la juge Eumi Lee a rejeté cette injonction, arguant de l’absence de démonstration de dommages irréparables causés par Anthropic. En d’autres termes, les plaignants n’ont pas réussi à prouver en quoi les actions d’Anthropic porteraient un préjudice irrémédiable aux détenteurs de droits. Ce verdict ouvre donc la voie à une utilisation potentielle des paroles pour l’entraînement IA, tout en laissant la question du fair use en suspens dans ce contexte particulier.

Implications pour le secteur de l’IA et de la musique

La décision soulève des enjeux cruciaux pour le secteur musical et son interaction avec les innovations numériques. Des questions émergent quant à la création d’un marché de licences spécifique pour l’utilisation de matériel protégé par le droit d’auteur à des fins d’entraînement de modèles IA, tout en respectant les principes du fair use.

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Dans une volte-face spectaculaire, Anne Wojcicki, la cofondatrice historique de 23andMe, vient de reprendre la main sur son entreprise en difficulté. Son véhicule d’investissement, le TTAM Research Institute (sigle de “Twenty Three And Me”), a remporté les enchères pour l’acquisition des actifs de 23andMe à hauteur de 305 millions de dollars. Cette opération intervient dans le cadre d’une procédure de protection judiciaire américaine, le fameux Chapter 11, et marque un tournant majeur dans l’histoire du leader du test ADN grand public.

Un Chapter 11 pour rebondir

Le 23 mars 2025, 23andMe a sollicité la protection du tribunal de faillite fédéral américain en recourant au Chapter 11. Cette procédure n’a pas vocation à liquider l’entreprise, mais à lui offrir un cadre de restructuration ordonné. Sous cette protection, la société a dû suspendre ses dettes et obtenir un sursis pour continuer ses activités. Dans ce contexte, les actifs de la société ont été mis aux enchères afin de rembourser ses créanciers tout en préservant une poursuite d’activité possible.

Deux enchères et la victoire de TTAM

La première adjudication a été remportée le 19 mai par le géant pharmaceutique Regeneron, pour un montant de 256 millions d’euros. Toutefois, l’offre n’ayant pas été finalisée, le tribunal a rouvert les enchères début juin. Anne Wojcicki, contrainte de quitter temporairement son poste de PDG pour répondre aux règles de conflit d’intérêts, avait créé le TTAM Research Institute pour présenter une proposition indépendante. Avec un prix porté à 305 millions de dollars, TTAM a surpassé Regeneron et s’est assuré la totalité des actifs principaux de 23andMe.

Les engagements de TTAM Research Institute

Pour obtenir l’aval du tribunal, TTAM a pris plusieurs engagements cruciaux :

Protection des données : aucun partage, vente ou transfert des données génétiques des utilisateurs, même en cas de nouvelle procédure de faillite. Droit à l’effacement : maintien de la politique en faveur du droit de suppression du compte et des informations ADN. Création d’un comité Consumer Privacy Advisory Board dans les 90 jours suivant la clôture de la vente, chargé de veiller aux bonnes pratiques de confidentialité. Notification transparente : tout changement substantiel dans la politique de confidentialité sera communiqué aux utilisateurs en amont. Audit et rapport annuel : mise à disposition de rapports sur la sécurité des données génétiques, consultables par les procureurs généraux sur simple demande.Une approbation attendue le 17 juin

La validation définitive de la transaction dépendra de l’audience du tribunal des faillites prévue le 17 juin 2025. Si le juge accepte l’accord, Anne Wojcicki retrouvera un rôle majeur dans la future gouvernance de 23andMe, même si son titre exact n’a pas encore été décidé. Cette approbation judiciaire sera également l’occasion de vérifier la solidité des garanties offertes aux utilisateurs et aux créanciers.

Impacts sur 23andMe et le marché des tests ADN

Fondée en 2006, 23andMe s’est imposée comme pionnière du test ADN direct au consommateur, proposant à un tarif accessible l’analyse du génome pour retracer ses origines, évaluer ses prédispositions médicales et contribuer à des études scientifiques. Cependant, l’entreprise a essuyé plusieurs revers :

Scepticisme médical concernant la fiabilité des prévisions de risques de maladie ; Craintes de confidentialité quant à l’usage des données par des tiers, notamment à des fins pharmaceutiques ou d’assurance ; Tension financière liée à des investissements massifs en R&D et des résultats décevants en Bourse.

Le rachat par TTAM Research Institute doit permettre à 23andMe de reprendre son développement avec un fort ancrage éthique et une politique de confidentialité renforcée. L’expertise de Wojcicki dans le domaine de la génomique et son engagement sur la transparence serviront de socle pour rétablir la confiance des clients.

Perspectives et stratégies de relance

Plusieurs axes stratégiques sont envisagés pour la phase post-acquisition :

Refonte de l’offre avec des services de suivi santé à distance et des abonnements de conseils génétiques personnalisés ; Renforcement des partenariats avec des organismes de recherche pour valoriser les données agrégées anonymisées ; Amélioration technologique grâce à de nouveaux algorithmes d’interprétation et l’intégration de l’intelligence artificielle pour affiner les diagnostics.

Au-delà du secteur médical, 23andMe souhaite s’ouvrir à de nouveaux marchés, comme la nutrigénomique (adaptation de l’alimentation selon le profil génétique) et la dermatogénomique (soins de la peau sur mesure).

Enjeux éthiques et réglementaires

La transaction relance également le débat sur la régulation des tests ADN commerciaux :

Cadre législatif : quelles garanties fournir pour encadrer les offres de génome direct au consommateur ? Consentement éclairé : comment informer vraiment les utilisateurs des implications à long terme de la conservation de leurs données ? Souveraineté des données : quels droits réels ont les individus sur le stockage et l’usage de leurs séquences génétiques ?

Le futur conseil d’experts sur la protection des consommateurs aura pour mission de proposer des chartes de bonne conduite et de recommander des évolutions législatives. Les autorités américaines, et bientôt européennes, suivent de près ces développements pour assurer un juste équilibre entre innovation et respect des libertés individuelles.

Anthropic, de son côté, soutient avoir respecté les droits d’auteur, plaidant que l’emploi de contenus protégés s’aligne avec les exceptions prévues pour l’usage loyal (fair use) dans le cadre de l’entraînement de modèles de traitement du langage naturel. L’entreprise s’engage à améliorer ses filtres afin d’éviter la reproduction intégrale de paroles lors des requêtes publiques, en collaboration avec les maisons de disques qui peuvent signaler toute violation apparente.

Vers un nouveau modèle de collaboration?

Ce cas pourrait jeter les bases d’une nouvelle ère de collaboration entre les industries de l’IA et de la musique. Les maisons de disques, conscientes de la valeur croissante des données dans le développement technologique, pourraient trouver un intérêt à établir des partenariats avec des entreprises de haute technologie comme Anthropic. Un cadre de licence clair et équilibré pourrait favoriser une cohabitation harmonieuse entre innovation technologique et protection des droits des créateurs.

Défendre les artistes contre l’exploitation injuste de leurs œuvres tout en permettant à l’IA de progresser efficacement reste un défi de taille. Tandis que la technologie continue d’évoluer, l’industrie musicale doit s’adapter, redéfinir ses protections juridiques et envisager de nouveaux modèles économiques qui reconnaissent la synergie potentiellement bénéfique entre ces secteurs.

Ce cas d’Anthropic pourrait finalement servir de catalyseur pour discuter de solutions équilibrées, respectant à la fois l’innovation technologique et les droits d’auteur anciens et nouveaux.

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