Une class action inédite pour protéger les mineurs
Le Moige (Mouvement italien des parents) vient de lancer une action en justice collective contre Meta et TikTok au tribunal de Milan. Portée par le cabinet Ambrosio & Commodo, cette démarche vise à contraindre les deux géants des réseaux sociaux à renforcer la protection des utilisateurs de moins de 14 ans. Inscrite dans le cadre de l’article 840 sexiesdecies du code de procédure civile, l’« action inibitoria collettiva » entend faire évoluer le fonctionnement même de Facebook, Instagram et TikTok pour limiter les risques liés à leur usage chez les enfants.
Des fondements scientifiques solides
Après deux années de travail avec des juristes, informaticiens et neuropsychiatres, l’action est appuyée sur des données probantes. Les experts soulignent notamment :
- Les troubles alimentaires et l’anorexie, liés à l’exposition constante à des images retouchées.
- La détérioration du sommeil, consécutive aux écrans et à l’exposition nocturne.
- La baisse de performance scolaire, conséquence de la distraction continue et du temps passé en ligne.
- Les perturbations psychologiques : anxiété, dépression et sentiment d’insuffisance face à l’idéal de vie présenté.
- Les comportements à risque : défis dangereux diffusés sur les plateformes, conduisant à des blessures graves ou à des passages à l’acte.
- Les conduites autodestructrices, y compris les pensées suicidaires, observées chez les adolescents soumis à la pression des réseaux.
Les revendications principales du Moige
Le recours déposé demande plusieurs modifications majeures :
- Vérification stricte de l’âge : mise en place de contrôles électroniques fiables pour interdire l’accès aux moins de 14 ans.
- Suppression du scroll infini : fin de la mécanique addictive permettant de dérouler indéfiniment le fil d’actualité.
- Révision des algorithmes : limitations des recommandations susceptibles de générer une dépendance ou d’exacerber l’anxiété.
- Information transparente : affichage clair des risques encourus, notamment sur la santé mentale et la vie privée.
- Obligation de consentement éclairé : contrats utilisateurs adaptés aux mineurs, avec autorisation parentale renforcée.
La dimension réglementaire européenne
Cette action s’inscrit également dans le contexte du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA), deux textes européens qui imposent une plus grande responsabilité aux plateformes. La Commission européenne a déjà ouvert des enquêtes pour vérifier :
- Le respect des critères de protection des mineurs.
- La clarté des informations fournies aux utilisateurs.
- La transparence sur le fonctionnement des algorithmes de recommandation.
Meta et TikTok risquent ainsi des sanctions financières et des injonctions à modifier leurs services pour se conformer aux normes communautaires.
La première audience fixée en février 2026
Le calendrier judiciaire est déjà établi : la première audience aura lieu le 26 février 2026. D’ici là, le cabinet Ambrosio & Commodo prépare également une action en réparation des préjudices. Les parents concernés peuvent d’ores et déjà signaler des cas de dérives via un portail dédié.
Quel impact pour les réseaux et les usagers ?
Si le tribunal suit les demandes du Moige, Meta et TikTok devront :
- Instaurer des dispositifs de vérification d’âge automatisés et infaillibles.
- Modifier leurs interfaces pour supprimer le défilement illimité.
- Réécrire leurs politiques de confidentialité en termes simples et compréhensibles pour les adolescents.
- Former leurs équipes de modération pour détecter plus efficacement les contenus à risque.
Pour les familles, ces évolutions signifient un environnement numérique plus sécurisé, mais potentiellement moins ludique. Les adolescents devront réapprendre à consommer du contenu avec modération et conscience des dangers.
Enjeux et perspectives
Cette action collective symbolise une étape majeure dans la protection des mineurs en ligne. Elle pourrait inspirer d’autres mouvements de parents à travers le monde, confrontés aux mêmes défis. À l’heure où l’addiction numérique est reconnue comme un enjeu de santé publique, le procès de Milan sera sans doute scruté de près par les décideurs, les éducateurs et l’ensemble des acteurs du web.